Le magasin de confitures

par Frédéric Benhaim

Pour faire un beau magasin de belles confitures, il faut d’abord de bonnes confitures, et pour cela, il faut de bons ingrédients. Des fruits, en premier lieu, qui devront venir de provenances bien marquées : Gascogne, Ile-de-France, Maurice ou Réunion, Kenya, Savoie, Gâtinais, Sologne… Il faudra préciser qu’ils sont tous bio ou d’origine familiale (on ne s’étend pas sur la définition de « familiale »…). Ensuite, du sucre : sucre de canne, miels de toutes sortes. Ca c’est la première étape.

 

La seconde, ce sera de mélanger et de surprendre : agrumes au basilic, chocolat au curry, trois fruits, quatre agrumes, deux bananes, quatre chocolats. Tout cela produit l’étonnement. Songez aussi aux fruits exotiques : ananas, kumqat, mais aussi la baie de l’églantier qu’on ne semble consommer que dans l’Est et les zones de montagnes. Maintenant, faites des duos, et testez sans cesse ! pourquoi pas églantier-banane d’ailleurs ?

 

Cela fait, il vous faudra songer à décorer les pots. Ceux-ci doivent refléter les valeurs de la maison : petits, parce que ce qu’on achète ici a de la valeur ; élégants, car nous sommes élégants ; simples, car nous sommes aussi simples. Il faut que l’étiquette exprime tout cela à la fois. Simplicité, élégance, et qu’elle fasse mention du privilège que vous avez, et de l’ancienneté de la maison. Une partie du plaisir de nos confitures, dit-on, c’est de les partager : comprenez aussi, de les montrer à vos convives et d’en faire un sujet de conversation pour petits-déjeuners de mariage et lendemain de fête (c’est justement à ce moment qu’on en cherche, alors que les esprits sont fatigués). Quoi de plus commode qu’un peu d’émerveillement pour égayer la tablée.

Maintenant, il vous faut présenter le tout : pour cela, des étagères en bois, une musique douce, des lumières qui mettent en valeur les produits. Séparez gelées et confitures, confits et jus, compotes et miels (oui, on fait aussi du miel, et des pâtes à tartiner). Les étagères couvrent les murs de toutes parts. Habillez le personnel en noir ; on est ici dans une grande maison, il faut un peu de standing ; et pour une raison qui nous échappe, c’est le noir. Maintenant, emballez tout ça en sac élégant à la caisse. Avec du ruban, et une anse en corde de couleur. Comme si vous aviez acheté des chaussures de marque. Vous y êtes. Quarante euros pour quelques confitures, mais au moins, avec ça, les convives seront contents.

 

Paris, le 28 avril 2014.