Popcorn de luxe

par Frédéric Benhaim

C’est la guerre en Syrie, la tension dans les banlieues, la stagnation en Europe et la crise dans les BRICS.

C’est un moment compliqué pour les commerçants de la capitale. Dur d’être épicier (les superettes font une concurrence atroce). Dur d’être libraire (les libraires ferment les uns après les autres, face à la commande en ligne, aux chaînes et aux smartphone…). Dur d’être…

Mais de nouveaux « besoins » ne cessent d’être lancés. La loi de Say, comme diraient les manuels : l’offre créé sa demande.

Voici donc le magasin de…popcorn. La salle de spectacle est toute proche ; ça tombe bien. Bien sûr, comme toujours, comme pour les hot dog, comme pour les hambourgers, comme pour les cupcakes et les choux à la crème, on a repensé le concept. Comme à chaque fois, on a décidé de faire autrement. Au final, qu’est-ce qu’on vend. Des choux, des cupcakes, des hot dogs, du popcorn. Oui, mais avec passion… Le débat reste ouvert.

Nous voici devant la vitrine en pleine journée. Vous avez plein de variétés, sucrées ou salées. La base (le maïs) n’est pas un maïs comme les autres. Ici, on réinvente sans cesse, et comme une lessiveuse d’un genre particulier, la gastronomie française a ingéré une spécialité d’ailleurs pour la ressortir à sa sauce. Bien sûr, cette boutique participe à la boboïsation du quartier ; certains diraient la gentrification. Avant, dit-on, à cet emplacement, enfin, il y a fort longtemps, il y avait un pressing terne (un pressing ? mais pourquoi faire… ?!). D’un autre côté, hausse les épaules en opinant le passant, les bobos, ils ne peuvent pas tout conquérir. A force que tout le monde se fasse pousser la barbe, il n’y aura plus de hipsters à distinguer. On fera quelque chose d’autres, ou plutôt, ils vieilliront et les jeunes feront quelque chose de nouveau. En attendant, se dit le passant, en souhaitant leur accorder le bénéfice du doute, essayons les nouveaux popcorns. Dedans, dans un décor néo années 50 (encore un), façon fête foraine, un charmant vendeur et une charmante vendeuse (recrutés ailleurs que dans le quartier ?) attendent au comptoir.

Paris, le 16 mars 2015.