Le magasin de fruits secs

par Frédéric Benhaim

En Californie, les fruits secs c’est un mode de vie : en rando (sachets santé), au petit-déj (granola), enrobé (raisins au yaourt), en vrac (sur le marché de producteurs). En Allemagne aussi, ça se vend au grand public dans une parure sportive, un peu comme si c’était des chaussures Adidas (vous savez, ces paquets jaunes qu’on emmène en montagne…). Le fruit sec, c’est la rencontre du randonneur bio et de l’Iftar. De l’Atlas et de Big Sur. De la tarte pomme amandes et du brunch au soja. C’est là que ça se passe, aux rayons du soleil qui dorent cette denrée de l’avenir (enfin, quand c’est fait à l’ancienne), nourriture des astronautes et des stations spatiales, des Dieux grecs et des Pharaons (on retrouve des figues séchées dans les pyramides), tendance délicieusement chic qui a débarqué dans nos restaurants branchés… Le magasin, lui, n’est pas branché, mais on s’en fout, car les gens qui y entrent le sont. Y a pas de fioriture sur la devanture, la police d’écriture est banale, en fait il n’y a rien d’écrit sur la vitrine. Ici, on n’a pas vraiment de vitrine : elle donne sur les rayons et tout est vendu en vrac.

Le truc avec le fruit sec, c’est qu’il passe partout, l’air de rien, avant de se faire remarquer : sucré, salé (en tarte ou en salade, ou avec le gibier, tout ça – voire le livre de recettes sur le présentoir). Le dimanche, le patron vend au marché, rive gauche, car autrement, il ne fait pas son chiffre.
Il faut voir que s’il a une « base » de clients adeptes, il y en a aussi qui s’y arrêtent, l’occasion d’en faire un goûter. « Ici, pas de pub ni d’emballage, que du bon produit ».

Pour attirer le passant, il multiplie les initiatives. Certes, on a la banane, l’abricot et la figue, mais maintenant, j’ai aussi de la mangue, du kiwi, des airelles, du goji, tiens, goûtez ça, c’est super bon à la santé, comme il dit… (Il est Vosgien, là-bas on dit « à la santé »…) Une dame, convaincue que le fruit sec est l’avenir de sa forme, repart avec une variété de petits sachets en papier. Son fromage blanc ne sera plus jamais le même.

Paris le 8 février 2015