Le magasin de luminaires
par Frédéric Benhaim
La vitrine donne à voir des lampes de toutes sortes. La consommation électrique du magasin est proche, selon certaines estimations, de trois maisons combinées. Mais il faut bien montrer les luminosités des produits, même si elles se repoussent et s’annulent comme les fragrances dans un magasin de parfums. Tout devient un magma lumineux qui ressemble à un bloc de la voie lactée qui se serait échoué ici à la surface, en plein milieu de la ville. Dedans plusieurs vendeurs s’activent et vous montrent les derniers modèles : la domotique vous permet de tousser, voire d’éternuer pour allumer ou éteindre votre lampe de chevet. La robotique vous permet de promener une lampe de poche dans votre salon, voire d’éclairer le chemin pour votre aspirateur, également autonome. L’informatique vous permet de programmer les jeux de lumière à distance, par avance, et par combinaison. On n’arrête pas le progrès.
Les lampes commercialisées ici sont aussi des lampes de style, certaines même un peu vieillottes, et on le revendique. Dans un salon à l’italienne, chez des clients en Suisse, on a vu la lampe à énorme abat-jour jaune, années 70, épouser parfaitement les meubles design et la télévision danoise. Avec une baie vitrée, qu’est-ce que ça rend bien ! Ne sous-estimez pas l’importance de la lumière, insiste-t-on, c’est vraiment clé pour réussir votre aménagement, et s’y sentir à l’aise. Vos pieds, en trâinant sur la moquette bleu-grise (c’est réglementaire, ça ?) vous y feront penser, car vous les verrez sous un nouveau jour.
Quand on ferme les yeux, et qu’on les ouvre à nouveau sur l’intérieur de ce magasin, les yeux un peu inclinés vers le haut, on s’aperçoit que c’est une forêt de fils et d’ampoules, de bulbes en verre, d’incandescence. Si cela vous donne le vertige, c’est normal, et même souhaitable. On veut vous faire comprendre que le beau peut aller de pair avec le bric-à-brac. Que vous ne repartirez pas avec une seule lampe : il vous en faut plusieurs ; celle du bureau, classique, pliable (le premier modèle fut dessiné par un architecte), métallique ; celle du soir, douce et agréable à la lecture et à l’œil (en général on ne tient pas longtemps sur sa page avant de piquer du nez) ; celle du vestibule, vive, car elle indique que la maison est bien occupée. Il vous faut aussi l’Asiatique, l’Américaine, la Marocaine. Les lampes dénotent le bon goût, le savoir-faire technico-scénique, un sens du bien et du juste, un sens des proportions, un sens du confort, un sens des éléments. Les lampes, c’est tout. C’est comme le feu ; songez-y ! il y a eu le feu, il y a les lampes. Les nanotechnologies ne remplaceront pas les lampes, en nous promettant d’éclairer par les murs, les sols, les chaises. Dès qu’un objet devient désuet et inutile, il devient à la mode. Attendez voir si les lampes ne serviront pas. Déjà dans certains endroits, l’ampoule à incandescence, la vieille, l’usurière des kilowatt, est on ne peut plus tendance. Suspendez-là à un fil, tout simplement ; elle fait des merveilles ; elle fait polar, film noir ; elle éclaire chaleureusement (ça change des basse consommation qui pâlissent tout). La preuve. La preuve par l’ampoule.
A tous les lecteurs,
Un an déjà ! Bon anniversaire !
Paris, le 14 avril 2013.
Bon anniversaire et longue vie !!!