La vitrine tient en plusieurs pendants ; à droite, des robes ; à gauche, des articles de danse classique ; au centre, des casiers à chaussures, présentant toute une variété : ballerines, chaussures de flamenco, chaussures à talon, chaussures à claquettes… et à travers les casiers, on aperçoit l’intérieur de la boutique.
Ici on fait de toute : ballet, danse moderne, fitness, peut-être un jour du hip hop ? Les vitrines sont rétro, ainsi que les typographie très années 80. Mais ça n’a aucune importance. Ici c’est le lieu de la passion ! n’entrez pas si vous n’êtes pas intéressé. Très féminin, certes, mais ça n’a rien d’exclusif ; c’est simplement la clientèle qui veut ça. Deux trois miroirs ; des ballerines au fond, tout au long d’une énorme planche de trois mètres de long (Ne vous servez pas vous-même ! indique un écriteau) ; à gauche, des portants, des tutu, des robes ; au milieu, un vaste portant avec des habits de danse moderne, de l’activewear, comme on dit ; de l’autre côté vers le fond, encore des tutus, et à droite de l’entrée, des accessoires en tous genre dispersés autour de l’alcôve où officie la patronne depuis trente ans. Des accessoires, dis-je ? Des chouchous pour les cheveux, des bandeaux, des choses utiles pour les pieds, pour les jambes, de la poudre, des nécessaires divers.
Partout, elle a dispersé des livres : Pina Bausch, Noureev, Alvin Ailey… Ils sont tous là. Au mur, vers le haut, en frise, juste en-dessous du plafond, il y a des photos autographiées. Leur esprit hante le lieu. Un jour Pina Bausch a été une de ces petites filles qui hésitent à se regarder en tutu dans la glace ; qui rient de voir leur frère ou copain en habit de danseur, qui se regardent toute neuves et toute différentes devant le regard fier des parents. Ou une de ces ados qui viennent après l’école un lourd sac sur le dos, en attendant de pouvoir décrocher enfin des cours et de faire sport-études ou d’aller au conservatoire. La patronne les encourage toujours. La passion mène toujours quelque part, même si on ne finit pas sur scène. Regardez-moi, dit-elle en riant, j’ai fait de la danse à votre âge, et je suis heureuse, et pourtant, je ne suis pas Aurélie Dupont ! Et puis j’ai voyagé, et j’ai rencontré l’homme de ma vie, hélas il est mort…
Il y a quelques éléments qui auraient besoin d’une rénovation, les vieux néons (ça fatigue les yeux), la peinture (j’ai arrêté de fumer, dit la dame, mais bon, il reste les traces, et elle s’en excuse), ce vieux carrelage dégueulasse surtout. C’est une honte pour de petites ballerines !
Il y a aussi les profs. Elles viennent et font le lien avec les élèves et les parents, se mettent d’accord sur les fournitures. Et puis, pas loin, il y a le conservatoire, et les élèves, qui viennent tout le temps s’approvisionner. Les élèves bénéficient d’un prix. Ici, c’est le poste éloigné de la civilisation de la danse ; la conscience de l’humanité. Dans chaque être qui se meut sur une scène pour ses proches et ses pairs, il y a la mémoire de l’humanité, un rêve… Et c’est ici que ça commence, dans le nylon, le plastique rose et les robes de flamenco qu’on aperçoit dans la vitrine droite (60€, pas chères en plus).
Paris, le 24 février 2014.
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