La boutique de robes de mariée
par Frédéric Benhaim
La vitrine doit vendre du rêve à petits prix.
Elles se succèdent au magasin, des rêves plein la tête. C’est ici qu’ils doivent commencer à se réaliser. C’est quelque chose de très personnel, explique la vendeuse, qu’une robe de mariée. C’est une robe qu’on mettra une fois, qu’on montrera à ses filles, dans lesquelles, qui sait, on voudra peut-être mourir. Attachez-y ce que vous voudrez ; moi, je ne suis pas mariée, mais je respecte ça.
En vitrine, on a mis les modèles un peu tradi, c’est ce qui marche toujours le mieux, dentelles et robes blanches, traines et coiffes, voiles transparents. Derrière, dans l’espace ceint de miroirs et de penderies, on a disposé aussi des modèles plus contemporains, des modèles à jupes, des pantalons mêmes, et aussi des hauts. Certaines mariées préfèrent juste le haut et accorder ça avec un autre bas. Façon aussi de faire des économies. Les mariées ? un peu de tout, mais pas qu’un peu ; on revient plusieurs fois, on vient à plusieurs. Ici, on offre du café et des dragées (on nous en rapporte tout le temps). Il y a des canapés pour s’asseoir (blancs, oui, ok, on a fait dans les codes couleurs, tout comme pour la peinture, la caisse, et mêmes la couleur de la télé qui diffuse MCM depuis le plafond). Parfois les mariés viennent mais c’est dans l’ensemble un truc de filles. Parfois on a des couples de femmes qui viennent ensemble. On a même vu une mère choisir la robe sans sa fille. Bizarre, quand même ! a observé la gérante.
On a aussi les accessoires : pour les cheveux (ça passe de mode, dans une certaines mesure), pour les jambes, et puis, naturellement, les chaussures.
A l’étage, on ne fait que ça. La robe, c’est le produit d’appel. Depuis vingt ans, on a vendu plein de modèles ; ils changent avec les années, mais tout naturellement, ça reste les mêmes fondamentaux. Ca ne change pas tant que ça non plus hein. D’ailleurs, regardez les robes vintage. Certes, les impératifs d’un mariage rendent difficiles de reporter une robe déjà usitée, mais la copine de ma mère lui a emprunté sa robe pour son mariage, et ça a parfaitement été. D’ailleurs, le plus amusant, remarque-t-on ici, ce sont les vieux couples qui reviennent pour se marier, se remarier, tout amoureux, et souvent moins soucieux que les plus jeunes. Ils n’ont plus rien à prouver, observe-t-on. Quand on se rencontre à soixante-dix ans, c’est d’abord le plaisir d’être ensemble…
Paris, le 26 octobre 2014.
A Maurice Pialat.