Le magasin de high-tech

            A côté de la nouvelle tablette, une série d’accessoires de protection, de mise en valeur, de suspension, de lévitation. De toutes couleurs, de toutes formes, de toute vertu (certaines coques sont suggestives).

            Les nouveaux appareils ont débarqué. On peut, désormais, tout faire avec son téléphone portable ou sa plaquette, pardon tablette, qui rappelle la tablette des Romains. Nous retrouvons, grâce à la technologie américaine et à l’industrie chinoise, l’allure fière des Anciens. Ne manque plus que les toges.

            Au magasin de high tech, pourtant, c’est en rouge que les vendeurs vont et viennent, comme des torreros, dans un univers de gris, de brun et de noir, attirant le chaland avec de la curiosité et de l’émerveillement technique, le matant par des arguments de vente dans la poussière électrique. Au magasin, quatre personnes, trois vendeurs et un patron, le tout à la commission  ; la concurrence est rude. Qu’importe qui a initié, c’est celui qui conclue qui gagne. Noël est la mère de toutes les guerres.

            La devanture, sur une rue des plus commerçantes, quasi piétonne, n’est pas chargée ; cela fait trop bric-à-brac. Une seule machine à café, trône dans le blanc d’une vitrine où l’on voit un couple s’adonner à une tasse dans un décor de rêve, une île, avec une côte montagneuse, une plage et un cocotier. Qu’importe qu’on ne puisse la brancher nulle part. D’ailleurs, le design laisse entendre qu’elle est solaire.

            D’autre part, de l’autre côté de la porte, une tablette, blanche, et une rose, et une rouge, une noire. Toutes alignées montrent la diversité du qu’en pourra faire, formidable. Pour Noël, on met des frous-frous de neige,  pour Pâques, de l’herbe en plastique et un lapin Duracell.

            (Le Duracell, c’est la touche rétro.)

            A l’intérieur, un bruit infernal, la radio pop et tendances qui passe les derniers hits. Il faut le dire : c’est le rythme qui pousse à l’achat. Toutes les machines sont en marche ; la rue entière consomme moins que le magasin, et la Responsable Ecologie de la Ville s’arrache les cheveux. Mais la clientèle est là, et visiblement, elle aime, alors… Quelques manifestations de mécontentement de la part des élus une fois de temps en temps, entre deux achats de machine, suffisent amplement à évacuer la mauvaise conscience du peuple. Ou de ses représentants.