Maroquinerie
par Frédéric Benhaim
C’est une grande maison parisienne, que vous connaissez tous. Sa petite boutique à l’aéroport vend toute sortes de marchandises dont certaines à bon prix.
C’est les soldes. Ici, il s’agit de sacs. Mais pas seulement. On vend aussi quantité d’accessoires pour tous les budgets. C’est qu’on invente de nombreuses nouvelles choses à base de sac : petit porte-monnaie, grand porte-monnaie, moyen porte-monnaie… Trousseaux de clés avec des lanières de cuir comme un ornement. Ne perdez plus vos clés, montrez-les en spectacle, chérissez-les, attachez-les à votre sac à main. Il y a des sacs en tous coloris, en tout genre. Un sac à main, c’est un temple, c’est l’incarnation de « la » femme ; de son organisation et du train-train quotidien qui la rend si « femme », parce que précisément elle fait les choses autrement ; elle opère depuis son sac à main, et avez-vous remarqué comme c’est chic et élégant. Justement, on ironise souvent sur le sac à main des femmes ; combien d’hommes plaisantent en comparant ce fouillis, où elles seules se retrouvent, à leur mallette ; mais l’observateur songera en parcourant les rayons de sacs en forme de U que le sac est conçu précisément pour être en pagaille ; tout doit s’y mélanger. L’exact contraire du rayon homme, où on vante, non le velouté du cuir, mais le poli nickel qui dévoile un ensemble méthodiquement carré et pré-pensé. D’un côté, le chaos créatif et élégant, l’amas programmé, qui contraindra notre femme moderne à doubler son sac comme elle double sa journée. Le sac est un glorieux objet, sujet de toutes les folies et de toutes les dépenses. C’est la poche de la fécondité, le sac de la semeuse ! La marsupialisation, au bout d’une anse. Un peu plus loin et de l’autre bord, d’élégantes mallettes qui promettent à notre client pressé, important, mais méticuleux et élégant, une réussite complète grâce au rangement compartimenté de ses cartes de visite, documents et appareils électroniques. Même complément de prestige social, bien entendu.
Mais laissons là la guerre des sexes, et revenons au sujet de nos sacs. Avoir un sac, c’est avoir besoin de le remplir de choses ; toujours les mêmes (qui conserve son hamster dans son sac à main ?). Ainsi donc, à côté, vous pourrez acheter le maquillage qui convient. Ici même, vous ne manquerez pas de considérer la bourse, le porte-clés, disions-nous, le nécessaire de toilette. Regardez aussi, pour votre téléphone, ce sublime petit étui. Oui, croco, mais vous avez aussi celui-là, dont le cuir est comme une peau de bébé. Caressez-le, il roucoulerait presque. De toutes ces couleurs, de toutes ces façons, considérez aussi les formes. On a pris le U. Mais voyez-vous ce sac carré (il est minuscule) ? Vous pourrez y ranger une paire de clés, un crayon de khôl, un téléphone et un petit porte-monnaie, et une ou deux bricoles qui ne se disent pas. Oui, ça vous va à merveille. Mais Madame, que vous êtes élégante ! Pliez bien le bras pour le promener, oui, comme ça, ou portez-le à la rebelle, le bras allongé, comme vous voudrez…
Nice, le 29 juillet 2013.