Le magasin de cupcakes
par Frédéric Benhaim
A n’en pas douter, c’est le meilleur cupcake de Paris. C’est ce que se disent les copines en brunchant, un dimanche au soleil, sur une terrasse ou sur un balcon. Vous aimez les couleurs, ça vous fait penser à un anniversaire, au carnaval, à une pluie de confettis ? A la fournée pâtissière d’une maison de poupées ? A un plateau goûter de chez Marilyn Monroe ? Oui, c’est ça le cupcake. La dernière trouvaille française en matière de pâtisserie américaine. L’observateur nord-américain, de passage ou d’arrivage en France vers 1994-1995, l’auteur lui-même ! se faisait interroger : mais qu’est-ce qu’on mange en Amérique ? des hamburger ? des hot dog ? assurément, il n’y a pas de cuisine américaine, a-t-on pu entendre mille fois avec un ton docte. Eh bien, chers critiques, voici vos femmes et vos enfants fous de cupcake et de latte. Mais concentrons-nous sur le cupcake.
La vitrine les met bien en valeur, un par un, sur de petits plateaux ronds, avec de jolies cloches en verre, quatre à la fois, pas plus, et au total, il ne doit pas y en avoir plus d’une vingtaine aux yeux des passants. Entrez dans l’espace blanc et rose, vous serez au royaume de la gourmandise. Du pêché mignon, dérogatoire aux régimes Dukan, céleri, carottes et autres. De quoi vous changer : « j’ai craqué sur un cupcake. » Il faut dire que c’est beau ; on dirait la coiffure d’une princesse. Du rose, du bleu, du jaune clair : un déluge de pastels. De petites pastilles, des éclats de noix, souvent une fleur ou un arrangement de couleurs façon Barbie, sur le chapeau de crème du gâteau délicatement emballé d’un papier blanc crénelé. On dirait un petit château de contes de fées, un dessin de gâteau de notre enfance, préparé longuement à force de crayons de couleur. On dirait que c’est Barbie elle-même, ou Ken, tiens, qui est entré dans votre cuisine, ou dans l’antre de la pâtisserie du coin, et qui en a fait son affaire. Nous, nous le savons bien : la Comtesse de Ségur, la Pompadour, peut-être même Marie-Antoinette, auraient adoré. Dommage, en cela, que les gâteaux américains n’aient eu le temps de se perfectionner et de débarquer avant la Révolution. Cela aurait été une fureur à la cour. Car ces petites gourmandises sont d’une frivolité délicieuse, et rococo. Quelque chose de très français a tout de suite accroché. La France des boudoirs, des confidences et des bosquets, des kiosques et des pavillons blancs. Le cupcake, c’est la continuation pâtissière d’un collier de perles.
Une gentille dame branchée qui écoute de la musique irlandaise un peu mielleuse vous accueille avec une voix d’hôtesse de Jacques Tati. On se croirait dans un gigantesque ascenseur en chamallow. Charlie et la chocolaterie en encore plus diabolique. Les parfums ? chocolat cream cheese, vanille fraise des îles (il y a de la fraise aux îles ?), framboise-pistache (un killer, une tuerie, enfin, irrésistible, quoi !), et pour les audacieux, le cupcake fraise-chocolat doublé avec une pointe de sel. Oui, ici, on n’a pas peur de la contradiction. On aime oser. D’ailleurs, chiche ! Une seule vitrine à l’intérieur pour choisir. Il y a le choix, en matière de parfums, mais pas trop d’abondance. Il faut que ce soit comme à la maison. S’il y a trop de quantité, ce n’est pas tout simplement pas réaliste. Quelques cookies, et une ou deux autres pâtisseries du moment. On sert du thé, d’une grande maison parisienne. Euh, non, pas de café. Désolé. Mais ça va arriver (ça ne peut pas être parfait non plus).
Chaque cupcake coûte quatre euros cinquante, mais vous pouvez en avoir trois pour douze. C’est pas cher, non ? Finalement, vous pouvez aussi, avec une carte de fidélité, avoir une boîte gratuite au bout de vingt achats. Franchement, ça va. Ca fait un super cadeau, aussi. Idéal pour les mariages et les anniversaires… Le seul problème, c’est qu’on n’a plus envie de manger après ça. Faut savoir se restreindre, et la jeune fille qui tient le magasin en sait quelque chose. Son préféré, mais on ne le fait pas tous les jours, c’est le carrot cake-creamcheese. Wasabi, thé vert : d’excellents ingrédients aussi. Prenez le thé vert-cream cheese, c’est hyper bon. Celui-là, je l’ai goûté à New York. Et, pour le 14 juillet, tentez le cupcake au Roquefort, ça c’est le cupcake à la française, car dans ce pays, comme en Inde, on prend tout et on adapte… à notre sauce. Il n’y a pas de danger à être accueillant. Vous qui doutez de la France, vous les déprimistes, vous les extrémistes, vous les identitaires, goûtez le cupcake au Roquefort, si vous le pouvez, entre copines, et n’ayez crainte.
Paris, le 13 juillet 2013.
A Daniela Cronembold, à Clarisse Benhaim, pour l’idée.