La Maison du Canard

« Le Sud-Ouest en Fête ». C’est ce qu’on lit sur la vitrine de cette maison de Prestige, ouverte voici peu sous les bons auspices des régions Aquitaine, Poitou Charentes et Midi Pyrénées. Les Parisiens de la Capitale devront apprendre à distinguer graisse de canard et graisse d’oie. Point de végétarien dans nos contrées, chuchote-t-on. Cette vaine et terrible mode est venue, en réalité, comme Rolon l’envahisseur, des Etats du Nord, sempiternel paradis social-démocrate, et elle a débarqué à Paris. Elle évoque la cuisine anglaise sans goût. L’aneth. La soupe aux herbes. La famine. Tout ça est irrecevable, pas français.

Ici de vieilles dames friandes de cuisine gasconne ou de manchettes au piment d’Espelette croisent des bobos à lunette colorées, venus trouver une préparation commode pour agrémenter un dîner à salade et vin rouge. Viande et salade, c’est presque Dukan (si on excepte le vin). D’ailleurs, la graisse de canard est une bonne graisse, car il y a de bonnes graisses et de mauvaises graisses, et c’est aussi cela qu’on ignore au pays des blonds spartiates où tout est si parfait (la Suède). Au comité d’administration de la Maison du Canard, on s’accorde à dire que l’information de la population doit à tout prix être développée sur la relation positive entre Canard et Santé. Des campagnes sont à prévoir. On s’inquiète même d’une crise sanitaire à venir, car les Français, au rythme actuel de la consommation, finiront par manquer de graisse de canard. La graisse de canard, à en croire une ou deux clientes, ferait même maigrir. Mais le succès sur ce point n’est pas assuré.

Les étals sont merveilleux. Graisse de canard, graisse d’oie, saucisses, saucissons, foies gras, pâtés, confiture de canard, gelée d’oie, magrets séchés, magrets en conserve, cassoulets divers, aux gros haricots, aux petits haricots, au gros canard, au petit canard, à l’oie, et à la truite même ! Piments, herbes fines, moutardes qui conviennent : on n’hésite pas à faire appel au talent d’autres régions. Cela se fait au grand bénéfice du palais, autour des mets du Sud-Ouest. Boîtes, conserves, boîtes plates, boîtes fines, boîtes rondes, de l’aluminium, du verre, des paquets en carton plastifié avec du ruban, des lots cadeaux-promotion, sur des étagères, dans des bacs, des étals, tout cela décoré de paille et de quelques figurines aviaires.

Les couleurs : le rouge du Midi, le brun et le bois qui rappellent la ferme, et quelques photographies venant du Rouergue ou d’autres Périgord. Bucoliques et savoureux paysages photographiés, que respire la truffe, qui parfume le magasin plusieurs fois par an avec ses opérations : la semaine Truffe, par exemple. Quelques touches basques, un petit drapeau planté sur les pots de piperade.

Un autre grand Peuple de la cuisine, les Chinois, ont compris l’importance du canard. A travers l’histoire et la gastronomie, deux grandes nations se regardent.

Le canard, c’est la vie.

Quel dommage que l’emblème de la France soit le coq !