L’institut de beauté

C’est ici qu’on vend la fameuse crème allemande. Créée par un médecin bavarois spécialiste des plantes, il y a un siècle, les femmes et les hommes se l’arrachent.

Pour une peau aplanie, pour des rides effacées, même le temps d’un soir ou d’une application, pour une main rajeunie…

L’ambiance est feutrée. Elle se doit d’être le contraire sensoriel et visuel à tout votre quotidien, à tous notre quotidien. Une petite fontaine coule, car le bruit de l’eau apaise. On a privilégié les tons légers. Blancs et pastels. Et on a mis de la verdure : ainsi, vous êtes dans une oasis, une zone polaire adoucie, un endroit retiré du brouhaha comme un refuge de bien-être. Vous qui n’allez pas à l’église ou dans les lieux de culte, ici ce doit être votre lieu de recueillement alternatif. Ca se paie, mais qu’importe. Le calme, donc. La sérénité. Dans la voix de ces hôtes et hôtesses, on entend poindre cette conscience des temps, qui sait qu’il faut nous prendre avec douceur, vous soigner rien que par le ton et par le son des mots. La musique en est le prolongement : c’est une variation celtoïde qui tourne au ralenti. Harpe remixée. Easy.

Ca se présente ainsi : il y a un mur d’étagères pour les produits, à votre droite de l’entrée. Le bois est clair. La gamme y est présentée, mais chaque crème est isolée, comme au  musée. Les crèmes visage, de jour, de nuit. La crème « mains »—autrement dit pour les mains—. La lotion du soir, le baume après-rasage, l’huile de massage. Tout cela en notes florales, en variations végétales. Tournesol, rose, violette, calendula, thym. Vous n’imaginez pas ce que les plantes peuvent faire pour vous.

Derrière le comptoir, des tiroirs pleins d’échantillons, qu’on vous remet en remerciement de votre chère et docile fidélité. Derrière tout ça, il y a l’espace bien-être, où vous pouvez vous faire masser, dorloter, épiler. Encore l’antidote furtive d’une vie trop affairée. Et à travers cela, un doute : en m’occupant ainsi de « moi », est-ce que j’éteins le feu, ou est-ce que je le propage, en lui laissant, pendant quelques instants de repos, l’air d’une combustion nouvelle ?

Une heure de massage alors, en attendant le prochain burn-out.

Paris, le 17 mars 2014.